Quelles options a-t-on pour développer l’autodiscipline chez les enfants?

Vidéo n°6 :

Quelles options a-t-on pour développer l’auto-discipline chez les enfants ?

La question que l’on peut se poser, c’est pourquoi on continue d’être des « contrôleurs » alors que ça ne fonctionne pas.
C’est parce qu’on a peur. On croit que soit on a le pouvoir, soit c’est eux qui ont le pouvoir. Comme si la seule autre solution, c’était la permissivité.
Donc, on préfère être autoritaire plutôt que permissif. Exercer le pouvoir, c’est plus rassurant. Je l’ai encore constaté ces jours-ci chez l’ophtalmo pendant une consultation pour ma fille. L’ophtalmo lui a dit : « C’est moi le chef ». Je l’ai vite noté pour m’en rappeler. Et deux minutes plus tard, je ne me rappelais déjà plus pourquoi elle lui avait dit ça. Agathe n’avait pas essayé d’imposer quelque chose mais elle avait besoin de lui montrer que c’est elle qui a le pouvoir.
Thomas Gordon a commencé à faire des formations aux parents et aux enseignants en 1962. Et dans les entreprises aussi. Son approche modifie la conception de la discipline et de l’autorité. Au lieu de faire obéir, exiger, permettre, établir des limites, priver, discipliner, restreindre, punir, interdire, défendre et imposer, l’adulte s’applique à faciliter, conseiller, écouter, comprendre, négocier, aider et résoudre le problème.
Agathe m’a entendu relire le texte de cette vidéo et elle m’a demandé : « Et toi, tu cherches à avoir le pouvoir ? ». Je lui ai répondu que ça m’arrivait encore souvent mais que j’en avais conscience et que je cherchais à faire autrement.
Thomas Gordon donne l’exemple d’une enseignante qui se fâchait tout le temps pour que ses élèves se mettent en rang. Ils perdaient du temps à chaque récréation. Elle s’énervait et tous les jours, le problème se posait à nouveau. Un jour, elle leur a dit : « Je ne me sens pas bien, je n’ai pas envie de m’énerver à chaque fois. Ils ont réfléchi ensemble pour trouver une solution qui convienne à tout le monde. Ils ont convenu qu’à la sonnerie, ils monteraient les escaliers dans le calme et que la maitresse les rejoindrait dans la classe. Elle leur a fait confiance et elle leur a permis d’être autonomes.
Quand j’étais enseignante, mes élèves montaient le matin entre 8h15 et 8h30. Je mettais un feu vert dans la cour pour leur dire que j’étais arrivée. Et quand ils arrivaient, ils pouvaient monter ou rester jouer jusqu’à 8h30. Ils montaient toujours dans le calme. L’arrivée en classe était échelonnée et plus agréable pour tout le monde.
Les parents en formation disaient souvent à Thomas Gordon : il se comporte bien ou il se comporte mal. Est-ce qu’on dirait d’un adulte qu’il s’est mal comporté ?
Je vous laisse imaginer. « Mon mari s’est mal comporté hier soir ! » ou «  Un de mes invités s’est vraiment mal conduit pendant la soirée ».
Par contre, on n’hésite moins pour nos enfants. C’est une preuve de la vision dominatrice des adultes par rapport aux enfants.
C’est un jugement de valeur en plus. Quand on dit qu’il a fait quelque chose que l’on juge contraire à ce qu’il aurait dû faire. On met une étiquette sur son comportement. L’enfant, il fait ce qu’il a besoin de faire pour satisfaire ses besoins.
Quand j’essaie de faire la distinction entre les effets de son comportement (sur moi) et son comportement, mon attitude change. Si elle ne veut pas arrêter de jouer sur la tablette et mettre ses chaussures pour partir à un rdv, ce n’est pas pour m’embêter, c’est pour satisfaire ses besoins. Ca ne veut pas dire qu’on accepte tout.
Avant, quand ma fille ne rangeait pas ses jeux, ça me mettait vraiment en colère. Et depuis que j’ai pris conscience de ça, j’ai modifié ma façon de voir les choses. Si elle ne range pas sa chambre et que ça me met en colère, c’est à moi qu’appartient le problème. Par contre, si elle ne range pas mon bureau et qu’elle laisse des playmobil partout sur le sol et que je ne peux plus accéder à mon ordinateur, ce n’est plus acceptable.
Il y a des comportements qu’on trouve acceptables et d’autres non.
Thomas Gordon parle d’une fenêtre à travers laquelle on observe les comportements des enfants.

Plusieurs exemples de problèmes qui appartiennent à l’adulte :
Il fait du bruit pendant qu’on téléphone
Il joue alors que c’est l’heure de partir
Il marche dans la maison avec ses chaussures toutes sales

Thomas Gordon cite plusieurs options :
Découvrir le besoin de l’enfant :
Quand un bébé pleure, on va essayer de comprendre son besoin. Quand l’enfant grandit, il peut parler et nous dire ce qui ne va pas.
Faire un échange :
On substitue au comportement inacceptable (pour l’adulte) un comportement qui nous est acceptable. Par exemple : un enfant qui joue avec une paire de bas tout neuf. On les échange avec une paire déjà déchiré. Son besoin d’explorer est comblé et le nôtre aussi.
Modifier l’environnement :
C’est plus facile de changer l’environnement que l’enfant. Si on tient à nos verres, on peut lui en proposer un autre auquel on tient moins ou en verre incassable.
Emettre un message « je » de confrontation sans reproche ni jugements
« Lorsque j’attends aussi longtemps que tu te prépares pour l’école, j’arrive en retard au travail ».
« Lorsque le volume de la télé est trop élevé, je ne peux pas parler avec papa ».
Le « tu » formule le message des adultes qui jugent que les enfants « se comportent mal ».
« Tu mets trop de temps », « tu as réussi à me donner mal à la tête ». Si on commence par je, on prend la responsabilité du problème qui nous appartient. Ça incite l’enfant à modifier son comportement de lui-même.
Le fait de ne pas les rabaisser ni les blâmer, ils auront plus envie de modifier leur comportement.
Les messages « tu » les mettent sur la défensive et les pousse à résister. Et détruisent l’estime de soi. On fait porter aux autres la responsabilité de nos sentiments.
Les messages « je » mettent les adultes et les enfants sur un pied d’égalité. Et les enfants les considèrent comme un appel à l’aide. « J’ai un problème avec ton comportement et j’ai besoin de ton aide ». On assume la responsabilité de nos sentiments.
On ne propose pas de solution avec un message « je ». C’est à eux de trouver leurs propres solutions. Ils sont créatifs car ils détestent voir leurs besoins insatisfaits.
« J’ai peur que tu… »
On a tendance à sous-estimer leurs capacités.
Emettre un message « je » de prévention
L’objectif, c’est d’anticiper pour la fois suivante pour que l’enfant respecte le besoin de l’adulte.
Par exemple : « la prochaine qu’on partira de chez papy et mamie, j’aimerais qu’on parte dans le calme ».
On parle de nos besoins. Les enfants ont plus envie de coopérer. Parfois, on se rend compte qu’on n’avait jamais clairement formulé notre demande ou alors, on l’avait formulé de manière agressive.
Commencer sa phrase par « je » nous permet d’être conscient de nos sentiments et responsables de nos besoins.
Il y a cinq minutes, je lisais un livre dans le canapé avec ma fille à côté de moi. Elle a voulu mettre de la musique. Le volume était trop fort. Je me suis surprise à lui demander de baisser alors que je travaillais sur cette vidéo. Je lui disais ce qu’elle devait faire. Je ne lui ai pas parlé de mes besoins. J’ai rectifié le tir. Je lui ai dit que j’avais besoin de calme pour réussir à lire. J’ai vu sur son visage qu’elle cherchait une solution. Elle m’a proposé de baisser le son d’un cran.
Quand on exprime nos besoins, on réduit les conflits et on a des relations saines.
Ecouter l’enfant pour désamorcer sa réaction émotive
Si l’enfant a l’impression qu’on se moque de ses propres besoins, on peut prendre le temps de l’écouter. On ne renonce pas à satisfaire nos besoins mais on fait preuve d’empathie. On commence par exprimer notre problème avec « je », puis on écoute l’autre et ensuite, il trouve une façon acceptable de nous aider à résoudre le nôtre.
Résoudre le conflit par une solution gagnant-gagnant
Et si l’enfant ne modifie pas son comportement parce qu’il a un besoin à satisfaire et que notre besoin ne peut pas être satisfait s’il continue, on ne va pas abandonner, on va chercher une solution ensemble.
On définit le problème, on énumère des solutions, on les évalue et on choisit ensemble une solution acceptable pour nous deux.
En colère, identifier le « sentiment premier »
La colère, c’est un sentiment dirigé contre une autre personne. Les enfants perçoivent la colère comme un message « tu » de reproche. Ils se sentent coupables d’avoir provoqué notre colère. Thomas Gordon pense que la colère est quelque chose que nous produisons après avoir éprouvé un premier sentiment comme l’embarras, la déception ou la peur.
Quand une voiture me grille la priorité et que je suis obligée de piler. J’ai très peur et ensuite je suis en colère et je peux même crier : « Apprends à conduire ! ». C’est un message « tu ». Je veux punir l’autre et qu’il se sente coupable de m’avoir fait peur.
Depuis que j’ai pris conscience de ça, ça change tout. Ma colère dure moins longtemps et je dis à mes filles pourquoi je suis en colère. C’est souvent parce que j’ai eu peur juste avant. Et je pense qu’au fur et à mesure, je me mettrai moins en colère, enfin, je l’espère.
Alors, comment peut-on faire pour éliminer ou éviter dans un premier temps, les messages « tu » de colère vis-à-vis des enfants ? C’est en ayant conscience qu’on a ressenti un autre sentiment juste avant et en se posant la question : quels sont mes besoins frustrés par son comportement ?

 

« Eduquer sans punir » Thomas Gordon