Pourquoi les récompenses sont inefficaces?

Vidéo n°3

Pourquoi les récompenses sont inefficaces?

Si l’enfant se comporte comme on l’espère toute la journée, on ne peut pas récompenser chacun de ses comportements positifs. C’est ingérable, on fait que ça. Et si on leur donne cette habitude, on peut se retrouver avec un enfant qui nous demande toute la journée : « Est-ce que tu aimes mon dessin ? », « j’ai été sage aujourd’hui ? », « j’ai rangé ma chambre, tu as vu ? », « j’ai mangé tous mes légumes. Je peux avoir un chocolat ? »…
L’enfant apprend des adultes qu’il doit toujours s’attendre à être récompensé pour sa bonne conduite. A l’école, ce qui peut arriver, c’est qu’il a envie d’avoir de bonnes notes pour faire plaisir. Quand ça vient des adultes ou des notes, on appelle ça des récompenses extrinsèques. Le contraire d’intrinsèque, pour soi.
Quand un adulte fait beaucoup de compliments, c’est des récompenses extrinsèques. Les enfants ont moins de chance de développer leur créativité et leur autonomie. Ils apprennent plus à se conformer plutôt qu’à innover. Ça peut créer une dépendance et saper sa motivation.
Et l’absence de récompense peut-être vu comme une punition : « Pourquoi elle ne m’a pas dit que c’était bien aujourd’hui ? J’ai mis la table de moi-même et elle ne m’a rien dit. »
Alors, maintenant, on va parler des compliments. C’est un message qui communique un jugement positif sur une personne, son comportement ou une de ses réalisations.
« Tu as été sage », « tu ne m’as pas coupé la parole », « tu as fait un joli dessin », etc…
Tu, tu, tu. On parlera des messages en « je » après.
Ce qui peut arriver, c’est qu’on fasse un compliment mais l’enfant, lui, il entend une critique et peut même sentir qu’on aimerait qu’il change quelque chose. Du genre : « Tu as été gentille avec ta sœur aujourd’hui ». Et là, il se dit : « Parce que d’habitude, je n’y suis pas ? ». Les enfants sont comme nous, ils n’aiment pas être manipulés et nos efforts déguisés pour les manipuler, ils ne sont pas dupes.
On peut même des fois sans s’en rendre compte faire un compliment et une critique dans la même phrase : « Oh, tu as rangé ta chambre mais tu as oublié la mezzanine ». Et si on lui dit : « Il est très joli ton dessin » mais que lui, il le trouve moche son dessin, il aura l’impression qu’on nie ses sentiments et qu’on ne le comprend pas.
Les compliments peuvent intensifier la rivalité entre frères et sœurs. « Tu lui as dit qu’elle était belle. Et moi, alors ? ».
Cette relation de dépendance peut les freiner à prendre des décisions et même faire des choix pour faire plaisir à quelqu’un d’autre plus qu’à eux-mêmes. On peut aussi se sentir mal quand quelqu’un nous fait un compliment. Si vous avez une copine qui passe à l’improviste et que vous lui proposez de rester manger. Vous lui faites réchauffer une boite de petits pois/carottes, vous avez juste rajouté un petit peu de crème, de sel et de poivre. Et elle vous dit : « T’es une super cuisinière ! ». Vous allez vous sentir comment ? Nul !
Ça m’arrive de dire à ma fille aînée : « T’es une championne ». C’est pour favoriser son estime de soi que je lui dis ça mais ça fait le contraire. Elle, ce qu’elle va se dire, c’est : « ma copine, elle aurait mieux réussi ou plus vite ».
L’estime de soi, je n’en ai pas trop parlé pour l’instant. J’avais une formatrice qui comparait l’estime de soi à un oignon. Le germe, c’est l’estime de soi profonde. Autour du germe, c’est l’estime de soi évolutive. On pourrait aussi dire que l’estime de soi, c’est la conscience de sa valeur personnelle globale. Un adulte qui n’ose pas, c’est qu’il manque d’estime de soi. Ce que j’essaie de faire avec mes filles et les enfants que j’ai en charge, c’est de valoriser leurs initiatives plutôt que leurs réussites. C’est le fait d’oser qui va leur permettre d’essayer plusieurs fois et d’y arriver. Et mes deux filles se mettent la barre très très haut et ça leur arrive de ne pas essayer pour être sûres de ne pas se louper. J’essaie encore plus de valoriser leurs essais. Et si je dis à un enfant : « Tu es un artiste ». Il va se dire : « Mais non, je ne peins pas aussi bien que Pablo Picasso ». Il va se comparer à un expert dans le domaine et se dire qu’il est nul.
Alors là, vous vous dites, d’accord, c’est bien beau tout ça mais comment je fais, qu’est-ce que je peux dire quand je m’émerveille sur sa peinture ou quand j’apprécie son comportement.
Il existe des solutions. Thomas Gordon en cite deux : le message en « je » et l’écoute active.
« Je me sens bien quand tu es calme au moment d’aller dormir », « j’ai été agréablement surprise quand tu as prêté ton jeu à ta sœur », « j’ai été soulagée que tu acceptes le fait qu’on soit obligé de rentrer alors que tu t’amusais tant », «  j’ai beaucoup apprécié ton aide pour préparer le repas ». On émet un message clair pour exprimer notre réaction face à son comportement. Ça n’à rien avoir avec un compliment. On parle de ce qui se passe à l’intérieur de nous. Alors qu’avec un compliment, ça concerne l’autre, ce qu’il a dit ou fait. Tu, tu, tu.
« Tu as fait vite, tu étais bien organisée », c’est un jugement de valeur. Alors qu’avec le message « je », on communique nos sentiments à l’enfant sans juger.
Faire un lien amazonOn va comparer deux situations. Vous avez un ami qui est venu boire le café dans l’après-midi et votre enfant a joué calmement. Soit vous lui dîtes : « Tu as été très gentil quand untel était là » et là, c’est un compliment ou alors vous lui dîtes : « J’ai bien apprécié de pouvoir discuter tranquillement avec mon ami ». Ça doit être sincère, on doit dire nos véritables sentiments. Quand c’est spontané, c’est sincère. On ne peut pas planifier à l’avance.
Faber et Mazlich, dans leur livre « Ecouter pour que les enfants parlent, parler pour que les enfants écoutent », appellent ça le compliment descriptif. Je décris ce que je vois. Au lieu d’évaluer, on décrit ce que l’on voit ou comment on se sent. Si on dit : « Tu as été courageuse, tu as rangé ta chambre », il peut se dire : « Heu, non, pas tant que ça, j’ai caché plein de bazar sous mon lit ». « Je vois qu’il n’y a plus rien par terre, c’est un plaisir d’entrer dans cette chambre ». Si vous voulez vous entraîner avec cet exemple, je vais vous laisser quelques minutes. Vous pouvez mettre la vidéo en pause pour prendre votre temps.
Si par exemple, votre enfant s’est habillé tout seul pour la première fois. Il est devant vous et espère que vous allez le remarquer. Faites lui un compliment descriptif en décrivant ce que vous voyez et ce que vous ressentez.
Il n’y a pas une bonne et une mauvaise réponse mais moi aussi, je me suis prêtée au jeu. Et j’ai noté : « Je vois que tu as mis ton tee-shirt, ton pantalon et ton pull tout seul. Que c’est agréable le matin ! ». Il vaut mieux dire « ça c’est de la persévérance » plutôt que « TU es persévérant. On décrit le comportement plutôt que la personne. Ou alors, « c’est ce que j’appelle avoir du courage » plutôt que « TU es courageux ».
Au lieu de souligner ce qui ne va pas, on décrit tout ce que l’enfant a fait et ce qu’il reste à faire. « Tu as mis ton tee-shirt, ton pantalon et ton pull. Il ne te reste plus que tes chaussettes ».
L’écoute active, c’est une autre solution dont parle Thomas Gordon. On écoute l’autre, on évite de juger. On reflète les sentiments de l’autre en reformulant ses paroles.
Cf dialogue entre une mère et son fils.
Elle l’a écouté et a reconnu ses sentiments. L’écoute active lui a permis de résoudre son problème tout seul. Le fait de laisser l’enfant s’auto-évaluer a 2 avantages :
ça incite l’enfant à trouver lui-même la solution
ça lui permet d’être responsable, de ne pas dépendre de ses parents
Pour résumer :
On décrit ce que l’on voit
« Je vois un sol propre, un lit sans un seul pli et des livres bien rangés dans la bibliothèque ».
On décrit ce que l’on ressent
« Quel plaisir d’entrer dans cette chambre »
On résume en 1 mot le comportement
« C’est ce que j’appelle de l’organisation »
Si vous avez envie de tester, n’hésitez pas. Vous pouvez vous fixer le défi de transformer un seul compliment en message en « je ». Et vous allez voir, vous risquez d’y prendre goût.
Si vous avez envie de nous en parler dans les commentaires, ça sera avec plaisir.
Dans la prochaine vidéo, on verra pourquoi les punitions sont inefficaces.