J’ai écouté cette conférence plusieurs fois mais le fait de l’écrire m’a aidé à mieux retenir les propos de Gérald Hüther. Alors, pour les visuels, le texte est juste en dessous.

Et pour les auditifs, cliquez ici pour écouter la conférence.

Le neurobiologiste Gerald Hüther, parle d’une étude qui a été réalisée qui démontre que beaucoup de nos schémas de pensée sont transmis à nos proches, à ceux avec qui nous vivons, y compris nos enfants sans même en avoir conscience.

Dans l’expérience réalisée, trois scènes ont été montrées à des bébés de 6 mois. Dans la première, un petit bonhomme jaune essayait d’escalader une colline, il glisse et recule plusieurs fois et parvient à arriver au sommet. Dans la deuxième scène, le bonhomme jaune essaie à nouveau d’escalader la colline. Un bonhomme vert l’aide à monter en se plaçant derrière lui pour le pousser. Dans la troisième séquence, à nouveau le bonhomme jaune tente de grimper sur la colline mais cette fois-ci, un bonhomme bleu en haut de la colline le pousse et il retombe au pied de la colline. Juste après, les bébés ont été placés à une table. On leur a présenté le bonhomme vert et le bonhomme bleu. Tous les bébés, sans exception, ont pris le bonhomme vert, celui qui avait aidé le bonhomme jaune.

Les bébés de cet âge ne prennent pas ce qui ne leur plaît pas. Cette expérience prouve qu’aucun d’entre nous ne vient au monde en consumériste ou en égocentrique. Cet état d’esprit est donc une chose qui s’acquiert avec le temps.

Six mois plus tard, à l’âge d’un an, la même expérience a été reproduite et 10 à 20% des enfants ont pris le bonhomme bleu, celui qui avait repoussé l’autre. Qui a bien pu leur apprendre ça? Alors qu’ils ne parlent pas encore. Ces enfants n’ont fait qu’observer. Dans le système familial dans lequel ils grandissent se trouve quelqu’un qui arrive brillamment à ses fins, aux dépens des autres. Les enfants prennent exemple sur ceux qui réussissent. Donc les enfants deviennent comme nous. C’est la première bonne nouvelle.

La deuxième bonne nouvelle, c’est que les enfants naissent avec une ouverture d’esprit incroyable avec un cerveau qui met à disposition d’innombrables connexions car il n’y a aucun programme génétique qui puisse savoir à l’avance comment un cerveau humain sera utilisé.

Les programmes génétiques ne peuvent pas savoir si tel enfant va venir au moyen-âge ou il y a 100 000 ans, les programmes génétiques étaient les mêmes, ou si cet enfant va naître de nos jours Esquimau ou Indien d’Amazonie, au Brésil ou en Chine. Et c’est pour ça que les programmes génétiques nous équipent (c’est une découverte évolutionniste majeure) d’un cerveau avec lequel tout peut se faire.

A la naissance, on avait tous un surplus de cellules et de connexions neuronales. Elles sont toujours disponibles et l’on serait capable, sa vie durant, de penser et sentir différemment, si seulement on avait une bonne raison, une raison assez forte.

Tous les enfants font deux expériences majeures : ils éprouvent la croissance d’une part et le lien. A partir de ces deux expériences majeurs, de l’expérience fondamentale de la croissance, quelque chose s’ancre dans le cerveau, pour ainsi dire, l’expérience s’ancre dans le cerveau, là où se trouve aussi ce qu’on appelle le « système de la curiosité » qui utilise certains transmetteurs, tels la dopamine, et ce système, qui se forme lui-même en fonction des expériences intra-utérines, fait que lorsqu’un enfant vient au monde, il arrive avec l’espoir qu’il aura, dehors, quelque chose à découvrir et à faire. Il veut grandir, il veut montrer qu’il sait faire des choses, trouver des choses à faire qui le feront grandir, il veut devenir autonome et libre aussi.

Quant à l’autre grande expérience prénatale, celle du lien, elle aussi se vit puis s’ancre profondément dans le cerveau. Pour ça aussi, il y a un système, nommé système de l’attachement, qui travaille avec d’autres transmetteurs comme l’ocytocine, la prolactine. Et ce système se forme, lui aussi, en fonction des expériences prénatales, et chaque enfant vient alors au monde avec l’espoir que, dehors, il sera, d’une manière ou d’une autre, bienvenu, qu’il trouvera quelqu’un qui le prendra dans ses bras, qui lui offrira proximité et sécurité.

Alors, ces enfants vont dans le vaste monde et font des expériences. Les expériences les plus importantes sont toujours celles qui ont lieu quand il est possible de combiner ces deux expériences primitives. On se souvient que ça marchait à l’époque. Pendant au moins 9 mois, on a pu vivre en même temps le lien et la croissance. Alors, on se retrouve dehors, et ce qu’on est ne convient pas tout à fait à la maman ou au papa, ou à quelqu’un d’autre. On n’est pas accueilli tel que l’on est, des adultes se mettent à vous éduquer de partout parce qu’ils voudraient qu’on soit comme eux, ou comme ce qu’ils auraient aimé être ou devenir.
Mais on peut aussi être, en quelque sorte, écrasé par ce que j’aime appeler l’amour-grappin, qui nous empêche de vivre notre besoin de croissance, et on se noie, en quelque sorte, dans le pot de miel de l’attachement.
Ces deux situations sont aussi catastrophiques l’une que l’autre. Dans les deux cas, on sait à présent que dans le cerveau, ce sont les mêmes réseaux neuronaux qui sont activés, quand on vit cela, les mêmes circuits neuronaux s’activent quand on nous inflige des souffrances corporelles.

Autrement dit, notre cerveau réagit de la même manière lorsque nous sommes exclus d’une communauté que lorsqu’il repère un dérangement dans notre relation avec notre corps. Quand ça ne va pas dans le corps, ça fait mal. Quand ça ne va pas dans notre relation avec l’autre, ça fait mal aussi. C’est le même système dans les deux cas. Cela fait mal et il nous faut une solution. Et voilà nos tout-petits déjà contraints de trouver une solution bizarre. Et si les adultes ne leur montrent pas à quoi pourraient ressembler ces solutions, probablement parce que nous l’ignorons nous-mêmes, une solution pour être à la fois lié et libre, alors ils souffrent.
Et comme il est insoutenable de souffrir tout le temps, nous avons besoin dès notre plus jeune âge, et plus tard en tant qu’adulte, à chaque fois que nous ne pouvons pas recevoir ce dont nous avons besoin, de trouver quelque chose qui nous permette de le supporter.
Quand on ne reçoit pas ce dont on a besoin, on prend ce qu’on arrive à prendre. Et à chaque fois qu’on y arrive, on en est un peu contenté.
Cela active dans le cerveau ce que les neuro-scientifiques appellent le centre de gratification.

A chaque fois qu’on s’enthousiasme pour quelque chose, et ce sur quoi on s’enthousiasme importe peu au cerveau, il y a ce qu’on appelle des transmetteurs neuro-plastiques qui se déversent. Ces transmetteurs neuro-plastiques sont comme de l’engrais pour le cerveau. Mais ces neuro-transmetteurs, lorsqu’on nous faire apprendre l’annuaire par coeur ou bien lorsque l’on subit les conseils de gens avisés, ils ne sont pas déversés.
Ces transmetteurs neuro-plastiques ne se déversent que lorsque les centres émotionnels sont activés dans le cerveau et pour qu’ils soient activés, il faut que quelque chose vous prenne aux tripes, il faut que quelque chose vous soit particulièrement important.
Important, par exemple, parce qu’il vous le faut absolument. Ces neuro-transmetteurs savent faire une chose géniale. Ils amènent les cellules nerveuses qui sont en-dessous, par le biais d’un processus induit par les récepteurs de transduction du signal, à initier une induction génétique. Comme ça vous entendez que moi aussi, je sais parler comme un scientifique. Ce que cela veut dire en réalité, c’est que les neuro-transmetteurs amènent les cellules nerveuses d’en dessous à produire des protéines, qu’elles ont bien souvent, cessé de produire depuis longtemps. Ces protéines sont nécessaires pour construire de nouveaux filaments, établir de nouveaux contacts pour rendre les réseaux neuronaux plus denses. Et voilà qui éclaire merveilleusement comment chaque fois que l’on s’enthousiasme pour quelque chose, un arrosoir déverse dans le cerveau cet engrais, ce « fertiliseur » qui fertilise le cerveau, mais seulement les zones que l’on utilise dans un état d’enthousiasme.

Nos jeunes ont, depuis 10 ans, une région du cerveau qui reçoit tant d’engrais qu’elle a déjà doublé de taille, il s’agit de la région qui est chargée de la régulation des mouvements du pouce. C’est aussi une manière de donner aux enfants l’occasion de se préparer pour l’avenir. Ce dont vous doutez à présent, ou alors vous le savez déjà, c’est que cet enthousiasme, nécessaire pour qu’il y ait des changements dans le cerveau, on ne peut pas l’avoir sur ordonnance ni l’engendrer par de savantes conférences. Il faut que les gens soient émus, touchés dans leur coeur. Il faudrait, comme le dit Hermann Hesse, que l’on soit empoigné au coeur, pour que ça marche.

Si vous pensez au petit enfant de trois ans que vous avez tous été, vous savez qu’alors, 50 fois par jour, certains même 100 fois par jour, vous vous enthousiasmiez pour quelque chose. Pour chaque petit bout de fil qui dépasse là-dessous. Un enfant de trois ans peut s’enthousiasmer pendant une demi-heure. L’arrosoir dans son cerveau est continuellement ouvert, l’engrais est répandu sans arrêt et surtout, partout car l’enfant s’enthousiasme pour tout. C’est ainsi que, pendant cette période, le cerveau reçoit tout le temps de l’engrais. Et puis, nous envoyons ces enfants à l’école!

Je ne veux pas prolonger, mais vous êtes en mesure de retracer vous-mêmes ce qui vous est arrivé depuis, jusqu’où vous en êtes arrivés, ce qu’il en est aujourd’hui. Et quand vous aurez mon âge, vous aussi, vous demanderez à ceux qui vous entourent, ce que je fais moi-même, à quelle fréquence il leur arrive encore de s’enthousiasmer, ce qui serait nécessaire pour qu’on puisse penser autrement, pour que puisse se constituer, dans le cerveau, un nouveau schéma de connexions. Pour certains, ça n’arrive qu’à Noël et à Pâques et pour d’autres plus du tout depuis longtemps déjà.

Ce qui est intéressant, c’est que ce serait possible. Un Berlinois de 85 ans peut tout à fait apprendre le chinois à 85 ans, mais probablement pas à l’université populaire de Berlin. Il faudrait plutôt qu’à nouveau, il s’enthousiasme. Il faudrait que ça l’entraîne vraiment. Il suffirait qu’il tombe amoureux d’une jeune et jolie chinoise de 65 ans, que lorsqu’elle veut retourner en Chine centrale, dans son petit village de Ching Fung, il y aille aussi. Et voici le clou, le point culminant de cette petite session, de cette conférence : vous tous qui êtes assis ici savez que ce monsieur de 85 ans qui, dans son enthousiasme, va en Chine avec cette femme aura appris le chinois en six mois. A 85 ans. On n’a donc aucun problème technique dans le cerveau. Si on ne peut pas apprendre le chinois à 85 ans, on a un problème d’enthousiasme, et ce qui est grave, c’est que nous le savons tous.

Nous devrions pouvoir nous enthousiasmer pour quelque chose, de différent de ce que nous connaissions jusqu’ici, mais jusqu’ici, nous avons vécu tant d’expériences négatives. Quand nous essayons de nous intégrer, quand nous cherchons des occasions de montrer que nous sommes capables, de devenir libres et autonomes. Ce faisant, nous avons vécu tant d’expériences négatives que nous constatons encore et toujours que ça ne marche pas, que c’est inconciliable, alors nous cherchons des satisfactions de substitution.

C’est le consumérisme. Bien sûr, quand on ne reçoit pas ce dont on a besoin, on prend ce qui est proposé ici ou là. Et il y a toute une industrie qui n’attend que ça, qu’il y ait autant de gens avec autant de besoins insatisfaits que possible car ce sont eux qui entretiennent l’économie. Cela veut dire qu’il nous faut des enfances qui rendent les enfants malheureux, il nous faut des enfances au cours desquelles les deux besoins de base des enfants ne sont pas satisfaits, car sinon, on n’aurait pas, à la fin, tous ces consommateurs qui achètent toute cette camelote dont personne n’a besoin, quand ça va bien.